La vie est à ce qu‘il paraît jolie et la mort doublement plus fascinante. Pour l’entre deux, c’est diffèrent. Âme perdue dans un tourbillon délicieux de sournois passes temps. Esprit vagabond, dangereusement dégénérescent et impatient. Il me semble avoir chaud. Pourtant je suis froid. J’ai peur de la folie furieuse, mais sa violence me ravie. Frappe mon être, détruit mon corps. Je n’en suis que plus détestablement amoureux. Exploser ceux qui m’entourent, éclater relations et liens quelconques. Je dois être malade. Ou bien trop sain d’esprit. Est-ce donc si agaçant, de ne jamais pouvoir prévenir le prochain pas que j’effectuerai ? Ahahah. Suivre le chemin du néant, s’amuser des travers de l‘homme. Il n’y a rien de plus simple. J’observe et suis triste. J’agis et critique. Je pleurs et puis j’éclate de rire. Quelle est donc cette infamie ? Souris moi chéri, condamne moi ensuite. Je suis un jouet, aux ordres d’imbéciles. Le masque tombe, un autre apparaît. Le jeu avance, les injures surviennent, et finalement les plaintes s’invitent. Le chaos m’agrippe, le chagrin m’accable. La rage m’envahie et la détresse me fait perdre toute logique. Je crame mon existence par les deux bouts. Et je n’en vois jamais la fin. C’est que depuis toujours je suis. La vie ne veut pas de moi, la mort me supplie de la rejoindre. Je ne veux que voir l’angoisse s’enfuir, et à la fois me demeurer maîtresse incomprise. Je ne devrais plus être en état de bouger. Je devrais être six pieds sous terre, rongé par d’immondes verres. J’existe depuis bien trop longtemps, et il semble que ce n’est pas près de finir. Je veux tout, et puis rien. Je veux être l’étoile, mais une fois l’acte accompli, il ne me reste plus qu’à disparaitre dans l’ombre monstrueuse. Je ne comprends pas. Parce que tout m’est trop clair. Ingénu perverti à la chaire pourrissante, mais étrangement désirée. On m’aime ou bien on me déteste. Pour ma part, c’est indéfectiblement plus simple. Je hais.

Ma stupide conscience ne souhaite que voir le néant profond gouverner ce débile univers. Véritable dégénéré, je sais comment m‘adresser à l’espèce humaine. Mots ou gestes. Elle n‘est pas un monceau d‘énigmes mais bel et bien d’évidences pour moi. Chimère façonnée à mon image. Ne fallait t’il pas se douter qu’un jour le modèle aime à écraser ses suivants ? Voir s’effondrer l’autre, infliger les pires blessures. Je suis une sorte de vipère, cachée sous la frimousse d’un naïf chaton. L’évidente victime devenant redoutable prédateur. Hurle ta rage, déverse ta haine, brûle ta raison, et annihile tes sentiments. Doué d’une intelligence certaine, j’écoute, j’apprends, comprends, et piège. Fulminant intérieurement, je n’attends que le bon moment pour laisser se déchaîner mon sadisme délicat. Sauvagerie superbe. Un animal enfermé dans un corps inexistant. Tourbillon infernale et sans fin, immonde aliénation, magique altération. Passé maître dans l’art de l’hypocrisie sublime. L’existence est une partie d’échecs. Tenter et agir, c’est toujours mieux. Ne rien faire et subir, c’est accorder à l’autre une victoire injustifiée. D’une violence presque insupportable, d’une cruauté insoupçonnable. J’apprécie les pires péchés et ne m’en lasse jamais. J’y goute et tente d’y faire se noyer et par là même se damner, tout ce qui bouge et m’apparaît comme diablement vivant. C’est qu’avec ces petites choses là, il ne faut pas tarder. Frileuses et adeptes d’un dieu que je connais, à chaque fois, elles tentent de m’échapper.

C’est marrant, depuis un bon moment j’observe le plafond blanc. Allongé de tout mon long sur une sorte de canapé moelleux, je songe. S’affaler de la sorte comme un lardon sur une casserole, c’est fou comme ça peut faire du bien. Je dois réfléchir. Cette sale gamine pourrie gâtée m’apporte plus de problèmes que je n’ai déjà eu à gérer. Mes vilains serviteurs sautillent dans tous les sens, et mènent la vie dure aux anges. Un réel délice il en va s’en dire. Mais avouons le, j’ai besoin de reposer ma conscience fatiguée. Mâchouillant ma joue nerveusement, je finis par laisser tomber ma contemplation et détourne mes yeux incandescent sur mon double aimé et répugné. Il est avec elle, j’aurai dû m’en douter. La petite est intelligente, et manie l’humour avec force. J’adore pouvoir entendre leurs conversations hilarantes. Sophie arrive toujours à ses fins, parce qu’elle ne lâche jamais le morceau. Une nièce que je me dois de manipuler. Eh bien oui, la belle pourrait bien exceller dans la discorde. Qui sait, un jour peut être la refais-je céder à l’un des péchés ? En attendant, elle essaye mais en vain, de me faire accepter ses caprices. Dommage, je suis bien plus égoïste qu’il n’y parait. Ou pas. Alors la pauvre va à la rencontre de son père chéri pour accéder à ses requêtes excentriques. Qu’il en soit ainsi. Paix à son âme comme qui dirait je ne sais plus qui. D’un bond sec, je disparais de l’endroit mérité et viens me foutre dans ses jambes maigrichonnes. Je suis un chat. Un matou gris que l’on aperçoit sur les gouttières. Ronronnant de plaisirs, il me semble que je l’énerve. Miaulant à m’en déchirer la gorge, je veux qu’elle hurle. Je veux mettre la zizanie, parce que j’ai trop attendu. Elle ne va pas assez vite.

Un, deux, trois. Voilà que le père exaspéré perd patience. D’un autre côté l’enfantine créature se met à crier. Féérique mélodie, splendide symphonie. Je peux m’effacer du paysage. Trottinant sur mes petites pattes, je saute sur un meuble de vieux bois et me languis du tableau céleste. Ma queue balance de droite à gauche, mes pupilles fixent l’entre deux monde. Dans quelque seconde, la demoiselle partira dans sa chambre. Mais avant, il faut cracher au visage de son créateur une dernière insanité, qui bien vite sera pardonnée. Voilà, c’est fait. Comme je suis excité. Ses pas raisonnent dans la bâtisse. Lui, il reste là et parvient à se détendre. Quittant mon perchoir, je reprends le visage du bel apollon. Serait-ce possible que je sois éperdument amoureux de mon propre corps ? Oui, je pense. Lui faisant un signe en agitant ma fine main, je ne souhaite que voir un peu de rage ou de haine dans son regard trop innocent. Sourire machiavélique aux lèvres, je file en douce dans le long couloir sombre. Tapotant à la porte de la princesse, elle chouine ou récite une formule du mauvais œil. Ahah, gentille fille.

« Ne fais pas cette tête chérie. C’était perdu d’avance. »
« Sors de ma chambre ! »
« Non, je n’ai pas envie. »
« Alors tais-toi. »
« Non, je ne le souhaite pas. »
« Mais qu’est-ce que tu veux à la fin? »
« Un câlin ? »
« tsss. »

J’éclate de rire, et fond sur elle tel un oiseau de chasse sur la souris. S’en est finis.